« Pinnoth​è​re » , nouvel album de JORDANE PRESTROT [ambient – electro pop / Mulhouse]

communiqué
Dans « Rester vivant », son meilleur livre à mon sens, Michel Houellebecq qualifie le poète de parasite sacré. Le pinnothère, pinnotheres pisum pour les scientifiques et/ou les latinistes, est un petit crabe qui vit à l’intérieur des coquilles des mollusques, notamment celles des moules : c’est ce petit crabe qui craque parfois sous la dent lorsqu’on savoure sa casserole de marinières à Bruxelles, à Léon de Bruxelles ou ailleurs, accompagnée de frites, de bière et d’une jolie personne dans le meilleur des cas. « Pinnothère » est conçu selon ce principe : parasitisme et craquement sous la dent. Grain de sable dans les rouages, dit autrement. J’ai naturellement (et douloureusement) conscience d’être un indésirable dans le monde de l’art : je suis un petit crabe dans un monde qui n’aspire qu’à consommer des moules onctueuses en bonne compagnie — grand bien lui fasse, chacun fait ce qu’il veut. N’en demeure pas moins que mon indésirabilité, je ne peux m’empêcher de vouloir la faire payer à qui veut croquer du mou, du juteux, du prévisible. « Pinnothère » est résolument pop et pourtant il ne cesse de craquer sous la dent. Parasite, il remixe l’un, reprend l’autre, va jusqu’à faire son nid dans une cantate de Bach après avoir emprunté des airs connus de Beethoven et Mozart. Prétention du crabe. Cellule cancéreuse (la déviance est parfois vraiment délétère). Il aimerait bien avoir l’air, en tout cas. La photo de la pochette de l’album a été prise au village Pierre & Vacances Origo Mare de Fuerteventura, dans un endroit où les bourgeois européens du continent se regroupent, profitent du soleil, des restaurants, ignorent plus qu’ils ne méprisent l’autochtone canarien comme la charge symbolique et tellurique de l’île où ils font leur jogging, leurs selfies, leur brasse coulée et parfois la gueule de dix pieds de long. (« Aussi léger qu’un touriste » est le deuxième titre de l’album.) Sur l’image, les lampadaires évoquent les antennes d’un crabe, les sculptures lamentables qui balisent l’entrée des lieux évoquent des pinces, et le volcan derrière, l’abdomen rougeoyant de l’arachnide ébouillanté. Sur le panneau de signalisation, j’ai mis le glyphe du signe du Cancer. C’est un petit cœur pur et fragile, le Cancer : il est sensible, il est tout mou à l’intérieur — et il joue les victimes. Quand on ne connait pas la symbolique, on ne verra qu’un 69 ou un tête-à-queue. La photo de la pochette est certes à l’envers. Ce n’est pas un hasard. Et j’en viens à la question fondamentale : qui est le parasite de quoi au final ?