Edito
De nouveaux lieux de culture se sont inventés en France dans les années 80, pour rendre possibles des pratiques artistiques et culturelles en émergence, fortes d’envie de convivialité, de porosité et de croisement entre les disciplines, entre les catégories professionnelles et amateures. Ce sont autant de « services publics » spontanés qui ont investi divers bâtiments du patrimoine industriel commercial, alors considérés obsolètes et sans avenir.
Ces présences artistiques multiples y ont stimulé les méthodes, les outils, les compétences appropriées pour transformer ces bâtis en espaces vivants, soufflant d’autres manières de faire économie, réconciliées avec le vivant.
En tant que production, coopération, expérimentation et manière d’entreprendre imaginés à partir des sensibilités, créativités, et attention aux autres, l’Art y a engendré des imaginaires d’avenir, inspirant le phénomène des « tiers-lieux ».
À peine une dizaine en Europe dans les années 80, ces lieux de culture sont aujourd’hui des centaines en France, des milliers en Europe et dans le monde. Ils concernent des publics, des citoyens et des artistes, par millions. Leur existence est devenu un enjeu d’intérêt général et la question foncière essentielle, pour soutenir leur développement et leur vitalité.
Alors que Bruno Latour, anthropologue et philosophe visionnaire, plaide la nécessité de la présence de L’art au cœur des affaires publiques et dans tous les domaines, on peut s’interroger sur le fait que le secteur des tiers-Lieux, héritier des mouvements d’occupation des friches et autres délaissés urbains, minore la place centrale de l’énergie créatrice qui les a engendrés.
A notre tour, nous plaidons pour la cause de l’art dans ces tiers-lieux, pour nous inspirer du possible, pour faire émerger du nouveau, de l’inédit, de l’attention, des coopérations et faire évoluer les structurations et manières d’entreprendre.
Cet ouvrage à l’ambition de doter les lieux d’arts et de culture (quelle que soit leur appellation), nés d’initiatives collectives, citoyennes, indépendantes et ingénieuses, d’outils leur permettant de poursuivre leurs aventures singulières.
Le foncier y est public, sensible, commun. Il soutient l’émergence d’un autre imaginaire économique social écologique et culturel, la réinvention de nous-mêmes et la transformation vitale de nos relations aux autres vivants, à tout ce qui nous entoure.
L’acquisition du foncier devient la solution d’existence, la maîtrise d’usage garantie, pour beaucoup de ces lieux d’arts foisonnants, portant haut les droits culturels, Toutes les formes et formats d’occupation de ces espaces bâtis sont une puissante façon d’expérimenter des modèles, des situations, des hétérotopies, impossibles ou difficiles à imaginer autrement…
Comme l’air que l’on respire, comme l’eau, les forêts, les fleuves, ou les océans, le terrain de ces fabriques d’imaginaires, d’œuvres et de liens est un « commun » qu’il est heureux de s’approprier.