Le statut des artistes et des professionnels de la culture et de la création en Europe : Droits sociaux et circulation

Avant-propos

« Sans les Muses, il n’y a pas de polis. » Ce rappel de la Grèce antique sur le rôle central de l’art et de la culture dans la vie civique est plus pertinent que jamais. Partout en Europe, des millions d’artistes et de professionnels de la culture et de la création enrichissent nos sociétés, soutiennent nos économies et façonnent nos démocraties. Pourtant, ceux qui incarnent cette vitalité créative sont trop souvent confrontés à des conditions de travail précaires et à un accès limité à la protection sociale. Ce paradoxe – un secteur essentiel reposant sur des fondations fragiles – est au cœur des débats actuels sur la politique culturelle.
La numérisation et les nouveaux modèles économiques ont encore accentué ces vulnérabilités, que la pandémie de COVID-19 a mises en évidence avec une clarté sans précédent. La crise a placé le statut des professionnels de la culture et de la création et leur accès aux droits sociaux au premier plan de l’agenda politique européen. Elle a mis en évidence le fait que l’Europe ne peut prétendre promouvoir la diversité culturelle et le talent créatif sans soutenir les professionnels qui les font vivre. De la recommandation de l’UNESCO de 1980 sur la condition de l’artiste aux initiatives plus récentes de l’Organisation internationale du travail et à la sensibilisation croissante au sein de l’Union européenne, les appels à l’action sont devenus de plus en plus pressants.

Le présent rapport offre un aperçu complet des principaux défis auxquels sont confrontés les artistes et les professionnels de la culture et de la création en Europe, qu’il s’agisse de l’emploi atypique, de l’accès fragmenté à la protection sociale, de la complexité fiscale ou de la mobilité transfrontalière. Il aborde tout d’abord le défi conceptuel que représente la définition de la notion d’« artiste » dans les diverses traditions juridiques et culturelles européennes, une question qui conditionne l’accès aux droits et à la reconnaissance. L’analyse se penche ensuite sur les réalités du travail dans ce secteur : précarité de l’emploi, cumul d’emplois et forte mobilité qui, bien que caractéristiques des carrières artistiques, compromettent souvent l’accès à une protection équitable. Les cadres juridiques existants restent mal adaptés à ces parcours professionnels atypiques, laissant de nombreuses personnes exposées à la précarité et à la fragilité économique. Le rapport passe également en revue le paysage juridique et politique plus large, montrant comment les approches nationales interagissent avec les cadres européens et internationaux. Bien qu’il existe des lois, des recommandations et des lignes directrices, leur mise en œuvre reste inégale. Cependant, des signes encourageants montrent qu’un nombre croissant de pays reconnaissent l’urgence de la question et prennent des mesures pour renforcer la protection des artistes et des professionnels de la culture. Enfin, le rapport souligne l’importance de l’action collective, en mettant en avant le dialogue social et la négociation collective comme outils essentiels pour remédier aux vulnérabilités et élaborer des solutions plus durables pour le secteur.

Je tiens à remercier chaleureusement les membres du comité consultatif de l’Observatoire européen de l’audiovisuel qui ont apporté leurs précieux commentaires pendant le processus de rédaction, ce qui a permis de garantir que le rapport reflète à la fois la diversité des traditions législatives nationales et les conventions collectives et pratiques professionnelles des industries culturelles et créatives.
La vie créative de l’Europe dépend des personnes qui la rendent possible. Les soutenir n’est pas seulement une question d’équité, mais aussi un moyen de préserver le tissu même de nos sociétés. Sans eux – sans les Muses – il n’y a pas de polis

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