Diriger au féminin ? Adoption et adaptation de l’ethos managérial par les femmes dans les structures labellisées du spectacle vivant.

16/10/2025

Mémoire en vue de l’obtention du Master 2 Politique et Gestion de la Culture

Avant propos

Le 10 janvier 2025, Mark Zuckerberg déclarait dans le podcast de Joe Rogan que la culture d’entreprise était trop « féminine ». Qu’entend Mark Zuckerberg par « énergie masculine » et « énergie féminine » ? Existerait-il une manière différente de diriger selon le genre ? Afin de savoir s’il existe une manière de diriger selon le genre, comme le sous-entend le propos de Mark Zuckerberg, nous avons choisi d’orienter notre recherche sur l’ethos managérial selon la notion de genre. Ainsi, nous allons nous intéresser à l’adoption et à l’adaptation de l’ethos managérial par les femmes dans le secteur culturel. Dans la veine des travaux de sociologie du genre, nous privilégions le terme de genre, et non pas de sexe, et le définissons en reprenant les propos de Christine Delphy2 :

« Le genre, c’est ce que l’on pourrait appeler le « sexe social », c’est-à-dire tout ce qui est social dans les différences constatées entre les femmes et les hommes, dans les divisions du travail ou dans les caractères qu’on attribue à l’un ou l’autre sexe. Comme on a constaté qu’ils varient d’une société à l’autre (la division du travail n’est pas la même, les femmes faisant dans certaines sociétés ce que les hommes font dans d’autres), on en a conclu qu’il y avait un aspect variable des sexes, un aspect construit socialement que l’on appelle le « Genre ». »

Ainsi, la notion de genre permet d’éviter le piège de l’essentialisme. En effet, les potentielles différences entre les femmes et les hommes dans leur manière de diriger ne sont pas inhérentes à leur sexe, mais socialement construites. L’emploi de la notion de genre, et par extension de la sociologie du genre, permet également de rendre compte dans notre étude des rapports de pouvoir et de domination et de leur impact sur nos enquêté.es mais aussi sur l’enquête. En effet,nous sommes toutes des jeunes femmes, ce qui a pu avoir un effet sur les interactions que nous avons eues avec nos enquêté.es lors de nos entretiens, notamment en termes de crédibilité ou de légitimité, et n’a pas pu donner lieu à un « rapport de connivence, d’amitié et d’empathie virile [entre] hommes » 3 . Pour ce qui est de l’ethos managérial, nous faisons ici référence à la notion d’ethos construite par Bourdieu. D’abord utilisé par Max Weber4 et Norbert Elias5 , l’ethos correspond pour Pierre Bourdieu au « […] système de valeurs implicites que les gens ont intériorisés depuis l’enfance et à partir duquel ils engendrent des réponses à des problèmes extrêmement différents »6 . Le terme d’ethos permet donc de définir les pratiques de management de nos enquêté.es car cellesci s’inscrivent dans un « système de valeurs implicites ». Le management quant à lui fait référence à l’organisation du travail, et notamment à une manière plus souple et transversale d’organiser la production. Ainsi, nous définissons l’ethos managérial comme la combinaison de l’ethos selon Bourdieu et du management. Est donc inclus dans l’ethos le rôle que ces individus incarnent, les pratiques managériales qu’ils mettent en place, le discours qui accompagnent ces pratiques ainsi que leur manière d’incarner leur position.
La notion de rôle est donc importante à aborder puisqu’il s’agit également de voir comment nos enquêté.es donnent vie au poste de direction qui leur a été confié. D’après Peter Berger et Thomas Luckmann7 , le rôle peut être défini comme « l’ensemble des comportements qui sont liés à la position qu’on occupe et qui permettent de faire exister cette position, de la consolider, et surtout de la rendre sensible aux autres ». Goffman, quant à lui, propose dans La Présentation de soi d’analyser les interactions sociales en utilisant l’image d’une scène de théâtre. En plus d’étudier le spectacle vivant, ses analyses sont pertinentes pour observer comment nos enquêté.es se mettent en scène en entretien.