« Concert à Bruisme », nouvel album de NUITS [musique expérimentale / Strasbourg]

communiqué 

Rainer Maria Rilke écrivait : « Je crois aux nuits ». Croire en ce qu’il y a de plus sombre n’est possible que si l’on cartographie cet espace invisible à partir des bruits qui en définissent les limites ; battement d’aile de la chauve-souris qui nous dépasse, vent d’été faisant peser sa force sur un grillage en métal, les pas d’un père qui s’éloigne pour ne plus revenir.
n u i t s met l’improvisation au service de l’expérimentation d’un tel espace. Il y a ici deux latitudes : la violence et la délicatesse, celles que l’on ressent devant notre incapacité à savoir si les oiseaux sont heureux. C’est une musique qui fait apparaître plusieurs paysages, à travers une poétique du morcellement dans laquelle, finalement, rien d’autre que soi ne peut apparaître brisé. Ainsi, les mille morceaux de ce miroir sont un seul éclat qui se fige en d’autres éclats ; l’usage de l’électronique sur le violoncelle, l’accordéon et la batterie est une fête où trouver un palais des glaces, et dans ce palais, un miroir que l’on aime franchir.
C’est ici, dans le battement régulier de l’instrument, que l’on revient au souvenir inaugural : celui où l’on pose l’équerre dans le bol en argent. Les chiffres se reflétaient mais le bol déformait les mesures. On était surpris par la beauté de ce geste simple; car il venait d’inventer un monde. C’est aussi, par la répétition et le travail de variation des sons, l’histoire d’un tourniquet froid. Tournant comme l’ombre du grelot qui est sur la table de la cuisine, qui est un objet offert et que l’on garde en talisman. Parfois, on le fait tinter. L’éclat, le reflet des matières amies. Celles dans lesquelles on peut se voir sans se voir.
En étant les gardiens du lieu où chacun trouve sa maison, n u i t s fait partie de ce que l’on nomme poésie : l’os d’une aile que le vent brise. Avec des instruments qui sont des mains si proches de se tenir. Des mains que l’on écarte pourtant pour tendre et faire tenir un fil, ce fil sur lequel marche un enfant très léger, sans filet, et dont les lacets sont défaits. Lorsque l’on écoute n u i t s, on emprunte un escalier qui mène au fond d’une rivière : les sons deviennent d’autres sons.
Enfin, nous connaissons tous un homme que la poussière ne dérange pas, elle montre le travail qu’il accomplit à la ferme, la domesticité de ses mains, l’objet qu’on prend et qu’on repose, son mouvement minuscule : « la saleté, c’est la nuit des ongles », dit-il.
Et n u i t s raconte ce mouvement minuscule, ce secret qui reste dans l’oreille.